Tout comme la cigarette, la loi Evin, en 1991, a fait de l’alcool un produit tabou, quasi-impossible à promouvoir !
Il n’y a qu’à voir autour de vous, à la télévision, sur internet : quand avez-vous vu, pour la dernière fois, un film publicitaire mettant en scène de jeunes buveurs de bières ou de vin en France ? Si vous êtes né après les années 1990, probablement jamais.
Qu’est-il est autorisé et interdit de faire en publicité ?
Bien que la loi Evin ait jeté un pavé dans la marre et fit enrager les lobbys du tabac et de l’alcool, il existait déjà certaines règles en terme de publicité de produits alcoolisés ! Par exemple, selon Télévision Sans Frontières en 1989, il était interdit de :
- Viser ou faire consommer des mineurs, même dans un spot TV
- D’associer l’alcool à une sorte de potion magique capable de « susciter l’impression que la consommation d’alcool favorise la réussite sociale ou sexuelle »
- De sous-entendre que les boissons alcoolisées étaient « dotées de propriétés thérapeutiques »
- Ou même d’encourager « la consommation immodérée de boissons alcooliques ou donner une image négative de l’abstinence ou de la sobriété »
Bref, il ne faut pas croire qu’avant 1991 l’alcool et la cigarette étaient consommés et promus comme des produits lambda. Mais la loi Evin a tout de même mis en vigueur un nombre incroyable de restrictions vis-à-vis de l’alcool, jusque dans des détails minutieux ! Nous n’allons pas toutes les citer, mais voici les bases de ce qui est interdit et autorisé.

Exemple de publicité interdite en France / source : a54.idata.over-blog.com
Ce qui est interdit
La télévision, le cinéma, la radio aux heures où il est possible que les enfants soient à l’écoute et les sites internet incluant un public composé d’au moins 30% de mineurs sont formellement interdits de promouvoir des boissons alcoolisées. D’ailleurs, par boissons alcoolisées, nous entendons toute boisson au degré d’alcool supérieur à 1,2. Bref, les restrictions s’étendent finalement à tous les médias – à peu de chose près – concentrons-nous plutôt sur ce qui est autorisé…
Ce qui est autorisé
Chose surprenante, les affiches sont autorisées ! Oui mais – il y a toujours un « mais » – il est interdit d’y faire apparaître des consommateurs. Cela signifie qu’il est impossible pour Heineken de placarder des affiches sur lesquelles un groupe d’amis boit des bières, par exemple. La loi Evin est allée plus loin : les dessous de verres dans les bars, l’envoi de brochures et d’e-mail publicitaires ou même les noms d’enseignes de produits alcoolisés apposés sur les parasols sont autorisés… En fait, les affiches, qui sont les médias touchant le plus de gens dans la rue, se limitent désormais aux références du produit : origine, visuel du produit, nom, composition, degré d’alcool ou même méthode de ventes. C’est pour cela que toutes les affiches publicitaire d’alcool se ressemblent.
Mais les marques jouent sur différents aspects pour leurs affiches, à défaut de pouvoir y faire apparaître des consommateurs :
L’histoire de la marque – Clan Campbell

source : www.clublaguinguette.com
La créativité – Heineken

source : designspartan.com
L’origine – Vins de Bordeaux

source : letrucenplumes.fr
Le goût – 51 Rosé

source : www.llllitl.fr
La loi Evin a-t-elle tué les ventes d’alcool ?
Bien que la loi Evin et les lois précédentes aient permis – a priori – d’empêcher de transformer une population française en alcooliques notoires, les ventes d’alcool, elles, sont en chute libre depuis 1960 ! Même si les ventes de bières et de spiritueux restent stables, la vente de vin, elle, est catastrophique. Jugez plutôt.

Évolution des ventes d’alcool en France / source : www.odft.fr
Ces chiffres catastrophiques ont poussé les députés, en novembre 2015, à adopter un amendement polémique visant à favoriser la publicité du secteur viticole. Oui mais comment ? En différenciant publicité et informations. Selon la loi française, la publicité se définit – grossièrement – comme un acte de communication visant à promouvoir un produit auprès de consommateurs d’attention moyenne. En interdisant la publicité et en autorisant « l’information », il faudra donc prouver que, par exemple, les nouvelles affiches d’Heineken constituent une publicité pouvant influencer les consommateurs « moyens » pour pouvoir les interdire ! Si néanmoins les avocats de la firme prouvent que leurs affiches sont avant tout publiées à titre informatif et non publicitaire, alors bingo : ils pourront continuer leur campagne. Tout un cirque législatif qui, finalement, va autoriser la publicité indirecte d’alcools… Marisol Touraine, furieuse, a dénoncé le rôle des lobbys d’alcool qui viennent de pourrir de l’intérieur la loi Evin en précisant que 50 000 personnes meurent chaque année des abus de l’alcool.
Cyril Garrech-Casanova
Étudiant à Sciences Po Paris, diplômé du CELSA-Sorbonne et de l'Institut Mines-Télécom Business School.
(Promis, j'arrête bientôt les études)
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