Dans l’adaptation du livre de Roald Dahl « Charlie et la chocolaterie » par Tim Burton, Willy Wonka est un entrepreneur on ne peut plus atypique. Enivré par la saveur du chocolat, son père dentiste l’empêche de s’épanouir et le chasse de la maison. Ce qui, finalement, décidera Willy Wonka à créer sa propre entreprise de chocolat pour prouver à son père qu’un jour, il créera le « meilleur chocolat au monde ».
Dans le film « Ah si j’étais riche », Aldo Bonnard, un piètre commercial à la vie dure, gagne un jour au loto. Pour se venger de son patron qui a couché avec sa femme, il décide de créer une entreprise concurrente et de le mener à la faillite.
Les entrepreneurs atypiques : quand la différence est une force
Quel point commun existe-t-il entre Willy Wonka et Aldo Bonnard ? Mis à part le fait que ces films ne valent pas non plus un oscar, on ne peut être qu’admiratif par l’atypisme de ces entrepreneurs. Les deux personnages sont en effet poussés par l’envie de prouver leurs capacités et de vaincre. Willy Wonka, bien que passionné par le chocolat, entreprend de créer son usine pour donner tort à son père. Aldo Bonnard, lui, créé sa propre entreprise pour uniquement se venger de son patron.
Comme le dirait Norbert Alter, ces curieux personnages peuvent être classés au rang d’entrepreneurs atypiques et résilients ! La résilience, comme son nom latin l’indique, est l’effet de « rebondir », d’aller de l’avant, malgré tous les problèmes de la Terre. Norbert Alter, grand sociologue, attribue à la résilience un rôle important – si ce n’est capital – à la réussite des entrepreneurs atypiques. On peut – grosso modo – résumer sa pensée comme ceci : les entrepreneurs « marginaux » et « différents » seraient capables de convertir leur différence en force. Et ce, de plusieurs manières.
Ces entrepreneurs atypiques réussiraient, grâce à leur différence, à adopter des points de vue et des stratégies innovants ! Willy Wonka, dans le film bien entendu, doit son succès à son imagination inattendue voire grotesque. En ayant vécu reclus et en marginal, il a réussi à réfléchir marginalement et à proposer des produits que les autres confiseurs n’auraient jamais pu concevoir. Willy Wonka réussit donc à faire de sa distance à l’égard des normes sociales, une force pour son usine.
Selon Norbert Alter, de même, les entrepreneurs ayant vécu un « traumatisme » pourraient rebondir en « transférant la violence des traumatismes en énergie créatrice. » Aldo Bonnard, après avoir été trompé par sa femme avec son patron et après avoir été licencié par celui-ci, décide de créer son entreprise. Il fait de son traumatisme – et finalement de sa rage – une énergie créatrice pour monter son business et se venger de son patron. Une vengeance subtile et délicieuse.
Enfin, les entrepreneurs atypiques seraient davantage capables de prendre des risques et de se surinvestir dans leurs projets. Ceci s’explique par le fait qu’ils n’ont « rien à perdre » et qu’ils osent jouer le tout pour le tout.
De Mozart à Steve Jobs : la différence, cette arme à double tranchant
La fabuleuse histoire des entrepreneurs différents semble être plus un mythe qu’autre chose.
Pourtant, dans la réalité, il existe maints exemples célèbres d’entrepreneurs atypiques au sens de Norbert Alter. Mais plutôt que d’atypiques, nous préférons les appeler « autodidactes ». Pensons à Jean-Claude Bourrelier, PDG de Bricorama, issu d’une famille modeste et commençant à travailler dès l’âge de 14 ans ! Pensons aussi à Coco Chanel qui, abandonnée dans un orphelinat et pauvre, réussit à devenir une icône de réussite mondiale. N’oublions pas Steve Jobs, atteint de dyslexie. Et enfin Bill Gates et Mark Zuckerberg qui, atteints du syndrome d’Asperger, déclarèrent avoir réussi grâce à leur handicape ! Bref, les exemples ne manquent pas.
Toutefois, la différence est une lame à double tranchant et pour le comprendre, parlons de Mozart. Inutile de le présenter, musicien avant tout, il n’était certes pas un entrepreneur au sens moderne du terme. Mais il créait et vendait son talent hors-norme, il innovait et se risquait à aborder la musique différemment. Mais comme l’explique le sociologue Norbert Elias, Mozart « ne maîtrisait pas bien l’art de la conduite qui était de règle à la Cour ». Il n’arrivait tout simplement pas à se comporter comme ses pairs, du moins il n’arrivait pas à adopter leurs codes sociaux. Ce qui le marginalisa de la société.
Les entrepreneurs atypiques connaissent le même souci. S’ils arrivent à faire de leur différence une force, leur génie ne pourra s’exercer que s’ils parviennent à s’intégrer au monde entrepreneurial. Willy Wonka est en cela un personnage qui, dans la réalité, aurait fait faillite depuis longtemps. Même si ses Oompa Loompa – ses employés – permettent à Wonka de commercer avec le monde, le fait même qu’il refuse tout contact avec l’extérieur l’aurait handicapé dans ses relations professionnelles, en réalité. Et cela va de soi.
Finalement, l’entrepreneur idéal est différent, en cela qu’il se démarque de la masse par son comportement, ses idées et ses talents. Mais l’entrepreneur idéal réussit aussi à être à la fois différent et à s’intégrer socialement auprès des autres. Trop différent, il risque d’être exclu comme Mozart. Trop intégré, il risque de perdre le goût de la différence. Faire mêler différence et conformisme est donc un dilemme difficilement atteignable. Mais qui, comme le montre le succès de bon nombre d’entrepreneurs atypiques, paye toujours.
Cyril Garrech-Casanova
Étudiant à Sciences Po Paris, diplômé du CELSA-Sorbonne et de l'Institut Mines-Télécom Business School.
(Promis, j'arrête bientôt les études)
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