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Comprendre la communication de crise avec Nutella

14 novembre 2012, le Sénat adopte l’amendement « Nutella », visant à augmenter de 300 % la taxation sur l’huile de palme présent à plus de 20% dans les pâtes à tartiner de la marque, un danger tant pour la santé (risques de maladies cardiovasculaires) que pour l’environnement (déforestation massive des zones d’exploitation). Un amendement bien entendu fustigé par le Groupe Ferrero France mais qui, dans un coup de communication bien maîtrisé, a voulu davantage rassurer les consommateurs que convaincre le Sénat des bienfaits du Nutella ! Un exemple classique de communication de crise qui vaut le détour.

La communication de crise : agir vite et pertinemment

Deux jours après l’annonce de l’adoption de l’amendement Nutella, le groupe Ferrero contre-attaquait grâce à plusieurs leviers de communication qui, bien que couvrant un sujet néfaste pour l’entreprise, lui ont permis de faire parler d’elle.

  • Communication print

Vendredi 16 novembre 2012, Nutella publiait dans le Figaro et le Parisien, en double-page, un publi-reportage intitulé « Nutella, c’est délicieux, mais pourquoi y a t-il de l’huile de palme ?», expliquant ainsi que la marque s’était retrouvée dans un débat « injuste » et que – grosso modo – l’accusation portée à son encontre n’avait pas lieu d’être. Nutella explique ainsi que l’huile de palme est nécessaire à l’onctuosité de la pâte, afin de rassurer les consommateurs lambda et que son exploitation et utilisation sont respectueux de l’environnement, la marque voulant ici clairement rassurer les ONG pour la protection de l’environnement. Et Nutella d’ajouter, surligné en gras, que dans le cadre d’une alimentation équilibrée « l’huile de palme n’est pas dangereuse pour la santé. » De quoi déculpabiliser les accros au Nutella !

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Le publi-reportage émis par Nutella dans le Parisien et le Figaro | source : www.pubenstock.com

  • Communication digitale

En parallèle de sa communication via la presse quotidienne, Nutella créa un site internet dédié aux ingrédients présents dans sa pâte à tartiner intitulé « Nutella, parlons-en ». Elle y explique la provenance et l’utilisation de chaque ingrédient, en passant par les noisettes, le sucre, le cacao et l’huile de palme, le produit phare de la marque. La page web y aborde ainsi l’histoire de l’huile de palme, l’implication de Nutella dans l’utilisation exclusive d’huile de palme certifiée durable et souligne même le fait que Greenpeace soutient la marque dans sa politique environnementale. De quoi rassurer consommateurs, investisseurs et politiques. En plus de ce site Web, la marque s’est investie dans les réseaux sociaux via Twitter (en créant par exemple le compte « Nutella parlons en ») et Facebook pour notamment maîtriser la polémique. Une stratégie à ne pas prendre à la légère car, comme le précise le publicitaire Loic Chauveau, en temps de crise de marque, les entreprises se doivent de rassurer les consommateurs, d’autant que l’influence de chaque client ne se limite plus à son entourage mais s’élargit bien au monde des réseaux sociaux.

La page "Nutella parlons-en" | source : www.nutella.com/fr/fr/nutella-parlons-en

La page « Nutella parlons-en » | source : www.nutella.com/fr/fr/nutella-parlons-en

 

La communication de crise : savoir quelle stratégie adopter avant d’agir

Depuis 2012, et pour la troisième fois récemment en juin 2016, la taxe Nutella n’est toujours pas rentrée en vigueur en France. On ne peut certes pas attribuer à la communication du groupe Ferrero l’entière responsabilité de cet avortement législatif, puisque derrière cette taxe se cachent de plus grands enjeux économiques et politiques. Néanmoins, la marque a su maîtriser le sujet et écarter cette crise sur le long terme, même si l’amendement risque d’être à nouveau débattu. Si l’on suit la typologie des stratégies de communication de crise de Didier Heiderich, créateur du magazine Communication-sensible.com et président de l’Observatoire international des crises, Nutella a suivi une stratégie dite de « Reconnaissance » : l’une des meilleures stratégies possible en cas de bad buzz.

En effet, cette même stratégie consiste à reconnaître la crise au plus vite, le mieux étant de communiquer autour d’elle avant les médias, ce qui permet en effet à la marque de maîtriser au mieux son image et la crise elle-même. Imaginez donc commettre une infidélité, mieux vaut en effet la reconnaître auprès de votre partenaire plutôt que celui-ci ne l’apprenne par quelqu’un d’autre !

Le seconde stratégie, dite de « Projet latéral », vise à changer l’angle de vue sur la crise en cours. Cette stratégie se fait l’avocat du Diable en rejetant la faute sur un tiers voire une entreprise concurrente ou même en minimisant la gravité de la situation. Pour reprendre l’exemple de l’adultère, cette stratégie consiste à dire que s’il y a eu tromperie « c’est à cause de telle ou telle autre personne qui m’a tenté, donc certes je suis coupable mais ça n’est pas à 100 % ma faute. » Une stratégie de mauvaise foi, finalement, mais qui peut payer.

La dernière stratégie est la plus difficile à tenir puisqu’elle s’intitule « le Refus ». En d’autres termes, cette politique consiste à nier la crise. L’entreprise choisit par exemple de rester silencieuse ou, pire, d’affirmer haut et fort qu’elle n’a rien fait. Une stratégie qui, si elle ne s’avère pas payante, peut coûter très gros à l’entreprise en terme de crédibilité.

Il n’y a qu’à prendre l’exemple de l’adultère, n’est-ce pas la pire des situations que de nier l’incident plutôt que de le minimiser ou, mieux, de le reconnaître ?

Cyril Garrech-Casanova
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Cyril Garrech-Casanova

Fondateur et rédacteur en chef d'Economyandco!
Étudiant à Sciences Po Paris, diplômé du CELSA-Sorbonne et de l'Institut Mines-Télécom Business School.
(Promis, j'arrête bientôt les études)
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